Contrôle URSSAF : les juges peuvent désormais moduler les majorations de retard
- Rédaction G2S
- 15 juil.
- 3 min de lecture
Dans un revirement jurisprudentiel important, la Cour de cassation reconnaît au juge judiciaire le pouvoir d’apprécier si une majoration de retard à caractère punitif infligée par l’Urssaf est proportionnée à la gravité des faits reprochés. Une avancée notable pour les entreprises contestant des pénalités financières.
Une entreprise sanctionnée pour un retard lié à la crise sanitaire
L’affaire concernait une société redevable de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour l’année 2020. En raison de difficultés liées à la pandémie de Covid-19, l’entreprise avait déposé tardivement sa déclaration et réglé les cotisations avec retard.

L’Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, en charge du recouvrement de cette contribution, lui a adressé une mise en demeure réclamant des majorations pour retard de déclaration et de paiement. La société a alors demandé une remise gracieuse devant la commission de recours amiable (CRA), qui n’a accordé qu’une remise partielle.
Devant le tribunal judiciaire, la société a fait valoir les perturbations liées à la pandémie. Le tribunal a rejeté sa demande, considérant que les difficultés invoquées n’avaient pas eu d’incidence suffisante sur le respect des obligations déclaratives. La société s’est pourvue en cassation.
Un revirement fondé sur la nature punitive des majorations
Jusqu’alors, la jurisprudence de la Cour de cassation considérait les majorations de retard comme de simples réparations du préjudice subi par l’Urssaf. Le juge n’était donc pas autorisé à en apprécier la proportionnalité.
Ce cadre vient d’évoluer. En s’appuyant sur l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la deuxième chambre civile distingue désormais deux types de majorations :
les majorations compensatoires, assimilables à des intérêts de retard liés à un paiement tardif ;
les majorations à visée répressive, comme celles applicables en cas de déclaration tardive, qui tendent à sanctionner et dissuader les manquements.
Cette nouvelle grille d’analyse s’inscrit dans la continuité d’une décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2018, qui avait reconnu le caractère punitif de la majoration applicable à la C3S.
Le juge doit vérifier la proportionnalité de la sanction
La Cour de cassation en déduit que le juge, lorsqu’il est régulièrement saisi dans le cadre d’un recours contre une décision de l’Urssaf refusant une remise gracieuse, doit contrôler si la sanction est proportionnée à la gravité de l’infraction commise.
Autrement dit, le juge ne peut plus se contenter de constater l’existence d’un manquement. Il doit désormais apprécier si le niveau de la majoration est adapté aux circonstances concrètes de l’affaire, notamment en cas de difficultés exceptionnelles, comme une crise sanitaire.
Une portée qui dépasse le seul cas de la C3S
Bien que la décision ait été rendue à propos d’un litige sur la C3S, la rédaction générale adoptée par la Cour lui confère une portée plus large. Ce principe de contrôle de proportionnalité pourra être invoqué à l’occasion d’autres contentieux relatifs à des majorations de retard à caractère punitif.
Les employeurs pourront donc, en cas de retard de déclaration, contester le montant des majorations si celles-ci apparaissent excessives au regard des faits et justifier d’un contexte particulier.
Ce qu’il faut retenir
Les majorations de retard prononcées par l’Urssaf ne sont plus automatiquement considérées comme des réparations neutres. Si elles présentent un caractère punitif, leur montant peut faire l’objet d’un examen de proportionnalité par le juge.
Les entreprises ont désormais la possibilité d’invoquer ce principe devant la juridiction compétente, dans le cadre d’un recours contre le refus d’une remise gracieuse, notamment si le contexte du retard est jugé atténuant. Ce nouvel outil pourrait offrir des marges de manœuvre intéressantes en cas de contentieux avec les Urssaf.