Rupture discriminatoire de la période d’essai : quelle indemnisation pour le salarié ?
- Rédaction G2S

- 21 juil.
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Lorsqu’un employeur met fin à une période d’essai pour un motif discriminatoire, cette rupture est considérée comme nulle. Le salarié peut alors obtenir une indemnisation au titre du préjudice subi, mais ne peut pas bénéficier du régime spécifique prévu pour un licenciement nul, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 25 juin 2025.
Une période d’essai libre mais encadrée
La période d’essai offre aux deux parties la possibilité de rompre librement le contrat de travail, sans justification. Le Code du travail (article L.1231-1) précise d’ailleurs que les règles applicables à la rupture du contrat ne s’appliquent pas durant cette phase. En pratique, l’employeur peut notifier la fin de l’essai sans avoir à en expliquer les raisons.
Mais cette liberté connaît une limite claire : la rupture ne peut être motivée par une discrimination. À défaut, la décision est entachée de nullité et ouvre droit à réparation pour le salarié.

Une rupture motivée par l’état de santé de la salariée
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, une salariée avait été embauchée en décembre 2013 par une compagnie d’assurances. Elle a été placée en arrêt maladie un mois plus tard, en janvier 2014, et ce jusqu’à août de la même année. Alors qu’elle était toujours en arrêt, l’entreprise a mis fin à sa période d’essai en juillet 2014, avec une prise d’effet en août.
Estimant que cette décision reposait sur son état de santé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour faire constater l’existence d’une discrimination.
La cour d’appel lui donne raison. Elle constate que la salariée avait présenté des éléments laissant présumer un lien entre sa situation médicale et la rupture de l’essai, tandis que l’employeur n’avait pas été en mesure de démontrer que sa décision reposait sur des critères objectifs et étrangers à toute discrimination. La rupture est donc jugée nulle. L’employeur est condamné à verser 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Une indemnisation encadrée, distincte du régime du licenciement nul
La salariée a contesté ce montant devant la Cour de cassation. Elle estimait que la nullité de la rupture devait lui ouvrir droit à l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L.1235-3-1 du Code du travail, à savoir au moins six mois de salaire, comme en cas de licenciement nul.
Elle invoquait également la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000, qui impose des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de discrimination.
La Cour de cassation rejette ces arguments. Elle confirme que la rupture du contrat motivée par l’état de santé du salarié est nulle (article L.1132-4 du Code du travail), mais rappelle que le régime du licenciement ne s’applique pas à la période d’essai. Le salarié victime d’une rupture discriminatoire a donc droit à une indemnisation sur la base du préjudice effectivement subi, sans minimum légal de six mois.
Une directive européenne non applicable en cas de discrimination fondée sur l’état de santé
Concernant la directive européenne invoquée, la Cour juge qu’elle ne s’applique pas dans cette affaire, la discrimination fondée sur l’état de santé ne relevant pas de son champ d’application. Cette position a été confirmée par la jurisprudence antérieure.
Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour évaluer le montant des dommages-intérêts à verser. Ils ne sont donc pas tenus de reprendre le cadre indemnitaire prévu en matière de licenciement abusif ou nul.
Ce qu’il faut retenir
La rupture d’une période d’essai ne peut reposer sur un motif discriminatoire, sous peine de nullité. Dans ce cas, le salarié a droit à une indemnisation, mais celle-ci ne suit pas le régime applicable aux licenciements, même en cas de nullité. Le montant accordé dépend du préjudice réel subi, apprécié au cas par cas.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait déjà précisé que la rupture discriminatoire d’une période d’essai ne donne pas lieu au versement d’indemnités de rupture ou de préavis (Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 16-26.333).













