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Catégories objectives de salariés : la Cour de cassation tire la sonnette d’alarme

Définir les catégories objectives de salariés dans le cadre d’un régime de prévoyance ou de frais de santé n’est pas un exercice anodin. Une erreur de critère peut coûter cher à l’employeur en cas de contrôle Urssaf. La Cour de cassation vient, dans un arrêt du 16 octobre 2025, rappeler la frontière entre deux critères souvent confondus : le critère n° 3 (place dans les classifications professionnelles) et le critère n° 4 (sous-catégories fondées sur les

fonctions, responsabilités ou ancienneté).


Pourquoi cette distinction est-elle si importante ?
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Pour qu’un régime de prévoyance ou de frais de santé bénéficie des exonérations sociales et fiscales, il doit : être collectif et couvrir une ou plusieurs catégories objectives de salariés (article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale).

Ces catégories doivent être définies selon cinq critères réglementaires (CSS, art. R. 242-1-1).Mais tous ces critères n’offrent pas le même niveau de sécurité juridique.

👉 Seuls certains (les critères n° 1, n° 2 et n° 3) confèrent à l’employeur une présomption de caractère collectif, empêchant l’Urssaf de remettre en cause la validité du régime. Les critères n° 4 et n° 5, eux, n’offrent aucune présomption : l’entreprise doit prouver que les salariés sont traités de façon identique.


Les cinq critères de définition des catégories objectives

  1. Critère n° 1 : distinction cadres / non-cadres

  2. Critère n° 2 : seuil de rémunération (en fonction du plafond de la Sécurité sociale)

  3. Critère n° 3 : place dans la classification professionnelle définie par la convention ou l’accord de branche

  4. Critère n° 4 : niveau de responsabilité, type de fonctions ou ancienneté selon les sous-catégories conventionnelles

  5. Critère n° 5 : usages de la profession

Ces critères peuvent être combinés, mais attention : seule une partie d’entre eux sécurise juridiquement l’entreprise.


Le cas concret : une entreprise du secteur de la métallurgie face à l’Urssaf

Une société de la métallurgie avait instauré un régime de prévoyance collectif reposant sur quatre catégories :

  1. Ouvriers et employés

  2. Agents de maîtrise

  3. Assimilés cadres et cadres (positions I à IIIB)

  4. Cadres de position IIIC

L’entreprise pensait appliquer le critère n° 3, fondé sur la classification de branche, et donc bénéficier de la présomption de caractère collectif.

Mais l’Urssaf et les juges du fond n’ont pas été de cet avis.Ils ont constaté que la classification de la métallurgie distingue seulement quatre grands ensembles :

  • ouvriers,

  • techniciens et administratifs,

  • agents de maîtrise,

  • ingénieurs et cadres.

En créant deux sous-catégories parmi les cadres, l’entreprise avait, sans le vouloir, utilisé le critère n° 4 — et non le critère n° 3.Conséquence : la présomption tombe, et le redressement Urssaf est validé.


La position de la Cour de cassation (16 octobre 2025)

La Haute Juridiction confirme le raisonnement des juges : Le critère n° 3 « doit s’entendre du premier niveau de classification défini par la convention de branche ». « Tous les niveaux inférieurs, situés immédiatement après ce premier niveau, doivent être considérés comme des sous-catégories relevant du critère n° 4. »

Ainsi, dès lors que la classification de branche distingue déjà des grands ensembles d’emplois, ces ensembles seuls peuvent servir de base pour le critère n° 3.Les subdivisions internes (comme les positions de cadres) relèvent du critère n° 4.


Une interprétation conforme à la doctrine administrative

Cette décision s’inscrit dans la continuité des positions de :

  • l’Acoss (lettres-circulaires de 2014 et 2015),

  • et du BOSS (Bulletin officiel de la Sécurité sociale, § PSC-1130),qui précisent que les catégories objectives doivent correspondre à des ensembles de métiers ou fonctions “structurants” pour la branche.

Autrement dit, pour le critère n° 3, il faut s’en tenir aux catégories professionnelles majeures de la classification, et non aux sous-niveaux liés à la hiérarchie interne ou au degré d’autonomie.


À retenir

Critère

Exemple

Présomption de caractère collectif ?

n° 1

Cadres / Non-cadres

✅ Oui

n° 2

Salariés au-delà d’un seuil de rémunération

✅ Oui

n° 3

Catégories issues du premier niveau de classification de branche

✅ Oui

n° 4

Sous-catégories selon fonctions ou responsabilités

❌ Non

n° 5

Usages de la profession

❌ Non

En conclusion

Cet arrêt du 16 octobre 2025 confirme une ligne claire : Pour bénéficier de la présomption de caractère collectif, les catégories de salariés doivent être définies au niveau du premier palier de la classification de branche, pas en dessous.

Les entreprises doivent donc vérifier avec prudence les critères utilisés dans leurs régimes de prévoyance et frais de santé. Une erreur d’interprétation peut suffire à faire tomber les exonérations sociales et entraîner un redressement Urssaf conséquent.


💡 Conseil RH / Paie

Avant toute mise en place ou révision d’un régime de protection sociale complémentaire, il est fortement recommandé de :

  • analyser la classification de branche,

  • identifier clairement le niveau retenu (critère 3 ou 4),

  • et documenter le choix pour sécuriser l’entreprise en cas de contrôle.


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