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Prime de partage de la valeur : elle revient aussi au salarié licencié abusivement

Une décision récente de la Cour de cassation vient rappeler un principe essentiel en matière de primes d’entreprise : lorsqu’un salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse, il ne peut pas être privé d’une prime instaurée après son départ, simplement parce qu’il n’était plus dans les effectifs.

Un rappel bienvenu dans un contexte où les primes de pouvoir d’achat (PEPA) ont été remplacées par la prime de partage de la valeur (PPV), désormais pérenne dans le paysage social français.


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Les faits : une salariée privée de la prime PEPA après son licenciement

Dans cette affaire, une salariée est licenciée pour faute grave le 20 mai 2020. Mais en appel, la justice annule ce licenciement, le jugeant sans cause réelle et sérieuse. Elle obtient donc des indemnités de licenciement abusif.

Jusque-là, rien d’anormal. Mais la salariée réclame aussi une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) que son entreprise a versée à ses salariés… après son départ.

La prime avait été décidée unilatéralement par l’employeur le 29 mai 2020, avec un versement prévu le 30 juin 2020, réservé aux salariés présents à cette date.

La cour d’appel refuse de lui accorder cette prime, au motif qu’elle n’était plus dans l’effectif au moment du versement. Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.

L’employeur ne peut pas se prévaloir d’une condition qu’il a lui-même provoquée.

La chambre sociale de la Cour de cassation censure la décision d’appel en s’appuyant sur l’article 1304-3 du Code civil, qui prévoit : « La condition suspensive est réputée accomplie lorsque c’est la partie qui y avait intérêt qui en a empêché la réalisation. »

Autrement dit, l’employeur ne peut pas invoquer une condition de présence qu’il a lui-même rendue impossible… en licenciant la salariée de manière abusive avant la date de versement de la prime.

Ce raisonnement n’est pas nouveau. La Haute juridiction a déjà jugé que le salarié licencié sans motif valable doit bénéficier des primes ou gratifications liées à la présence, même s’il n’est plus en poste à la date fixée par l’employeur (Cass. soc., 12 juill. 2006 ; 26 sept. 2018 ; 18 déc. 2019).


Une jurisprudence transposable à la prime de partage de la valeur (PPV)

Même si cette affaire concernait une prime PEPA, elle a une portée bien plus large.

Pour rappel, la prime PEPA a été instaurée en 2018 dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes », puis prolongée jusqu’en 2022. Elle a été remplacée par la prime de partage de la valeur (PPV), désormais intégrée dans le droit commun des entreprises.

Or, la PPV fonctionne souvent sur des bases similaires :

  • décision unilatérale de l’employeur,

  • critères d’attribution définis par l’entreprise,

  • souvent conditionnée à la présence du salarié à une date donnée.

Il est donc parfaitement transposable de considérer que le salarié injustement licencié ne peut être privé d’une PPV, même si son employeur avait fixé une date de présence ultérieure à son licenciement.


Ce que les employeurs doivent retenir

  1. Un licenciement abusif annule les effets du départ du salarié : l’entreprise doit alors le replacer dans la situation où il aurait dû être, y compris pour le versement de primes collectives.

  2. Une condition de présence ne protège pas l’employeur si elle a été rendue irréalisable par une faute de l’entreprise.

  3. La prudence s’impose dans la rédaction des critères d’attribution des primes (notamment PPV), surtout lorsqu’elles sont décidées de manière unilatérale.


À retenir pour les salariés

  • Si vous avez été licencié abusivement et qu’une prime (PEPA ou PPV) a été versée après votre départ, vous pouvez en demander le paiement.

  • La condition de présence posée par l’employeur ne tient pas si votre licenciement est annulé par les juges.

  • Vous devez agir rapidement, dans les délais de prescription applicables à vos droits.


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