⚖️ Licenciement nul : réintégration ou indemnités de rupture… mais pas les deux !
- Rédaction G2S
- 15 sept.
- 3 min de lecture
Une décision importante de la Cour de cassation du 9 juillet 2025 (Cass. soc., n° 23-21.863) vient rappeler une règle fondamentale du droit du travail :
Lorsqu’un licenciement est déclaré nul, et que le salarié demande sa réintégration, il ne peut pas cumuler l’indemnité d’éviction avec les indemnités de rupture du contrat de travail.

Un principe logique… mais dont l'application soulève encore des questions pratiques dans les entreprises.
Contexte : qu’est-ce qu’un licenciement "nul" ?
Un licenciement est nul, par opposition à "abusif" ou "sans cause réelle et sérieuse", lorsqu’il viole une règle impérative ou un droit fondamental garanti par la Constitution, tels que :
la liberté d’expression,
la liberté syndicale,
le droit de grève,
la protection contre la discrimination,
ou encore la protection d’un salarié en congé maternité ou maladie professionnelle, etc.
Dans ce type de situation, la sanction est lourde pour l’employeur : le salarié peut exiger d’être réintégré dans son emploi, avec effet rétroactif.
Réintégration : retour à la case départ… mais avec une indemnité
Lorsqu’un salarié choisit d’être réintégré après un licenciement nul :
Le contrat de travail est considéré comme n’ayant jamais été rompu.
L’employeur doit verser une indemnité d’éviction: il s’agit du salaire que le salarié aurait dû percevoir entre la date du licenciement et celle de sa réintégration.
Aucune déduction n’est faite, même si le salarié a perçu des allocations chômage, une indemnité journalière de la CPAM, ou s’il a travaillé ailleurs pendant cette période.
C’est un mécanisme de réparation intégrale : on replace le salarié dans la situation où il se serait trouvé si le licenciement n’avait pas eu lieu.
Pas d’indemnité de licenciement ni de préavis
Là où la Cour de cassation apporte une précision importante, c’est sur le non-cumul de cette indemnité d’éviction avec les indemnités de rupture du contrat :
Le salarié peut bénéficier de l’indemnité d’éviction.
Mais il ne peut pas cumuler avec :
l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
l’indemnité compensatrice de préavis,
ou encore toute autre indemnité liée à la rupture du contrat.
Pourquoi ?Parce que le contrat n’a, juridiquement, jamais été rompu. La réintégration annule rétroactivement le licenciement. Il serait donc incohérent de verser des indemnités qui supposent une rupture effective du contrat de travail.
Un choix stratégique pour le salarié
Ce principe impose au salarié de faire un choix stratégique :
Réintégration avec :
Rétablissement du contrat,
Indemnité d’éviction,
Maintien de l’ancienneté,
Retour à son poste ou à un poste équivalent.
Renoncement à la réintégration, avec :
Paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Indemnité de licenciement,
Préavis,
Et éventuellement une indemnité spécifique prévue par la loi ou les conventions collectives.
Ce choix n’est pas toujours évident : revenir dans une entreprise après un conflit peut être difficile. Mais sur le plan financier, la réintégration accompagnée de l’indemnité d’éviction est souvent plus avantageuse.
Focus sur l’affaire du 9 juillet 2025
Dans cette affaire, le salarié avait été licencié en violation d’un droit protégé par la Constitution. Il avait demandé sa réintégration, que l’employeur avait été contraint d’accepter.
L’entreprise avait tout de même versé l’indemnité de licenciement et celle de préavis, en plus de l’indemnité d’éviction.
La Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel :
Le salarié ne peut pas cumuler ces deux régimes d’indemnisation. Le choix de la réintégration exclut celui d’une rupture du contrat, même indemnisée.
Les enjeux pratiques pour les entreprises
Pour les employeurs, cette jurisprudence rappelle plusieurs impératifs :
Bien qualifier le motif du licenciement, notamment s’il peut toucher à un droit fondamental.
Anticiper les conséquences d’une nullité potentielle (coût, réintégration, gestion RH).
Ne pas verser automatiquement toutes les indemnités de rupture si le salarié choisit la réintégration.
Mettre en place une procédure claire de retour au poste, avec dialogue social.
À retenir
Situation | ✅ Ce que le salarié peut obtenir | ❌ Ce qu’il ne peut pas obtenir |
Licenciement nul + réintégration | Indemnité d’éviction | Indemnité de licenciement, indemnité de préavis |
Licenciement nul + pas de réintégration | Dommages et intérêts, indemnités classiques | Réintégration ou indemnité d’éviction |