Ancienneté et arrêt maladie : ce que dit la justice sur le barème Macron
- Rédaction G2S
- il y a 1 jour
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La Cour de cassation a récemment rendu une décision importante qui vient sécuriser les droits des salariés face au licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’arrêt rappelle notamment que les arrêts maladie ne doivent pas être déduits de l’ancienneté du salarié, y compris pour le calcul de l’indemnité prévue par le barème Macron.
Une clarification bienvenue, tant pour les salariés que pour les employeurs, dans un domaine du droit du travail où les interprétations peuvent parfois diverger.
Les faits : un licenciement verbal, un arrêt maladie… et une double erreur judiciaire

Dans cette affaire, une salariée est embauchée en mai 2016. Quelques mois plus tard, en novembre 2016, elle est placée en arrêt maladie. Son contrat de travail est suspendu, mais elle reste salariée de l’entreprise.
En avril 2019, elle est licenciée verbalement, sans lettre de licenciement, sans motif écrit — ce qui constitue une procédure totalement irrégulière. Le licenciement est donc logiquement reconnu comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Mais lorsqu’elle saisit la justice pour obtenir une indemnité, les juges du fond (la cour d’appel) rejettent sa demande : ils estiment que, en étant absente depuis novembre 2016, elle n’avait pas un an d’ancienneté effective au moment du licenciement. Et selon eux, cela l’excluait du bénéfice du barème d’indemnisation prévu par l’article L. 1235-3 du Code du travail.
Un raisonnement qui ne résiste pas à l’analyse de la Cour de cassation.
Premier rappel : l’ancienneté ne se « met pas en pause » pendant un arrêt maladie
La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel et rappelle un principe essentiel :
L’ancienneté d’un salarié continue à courir pendant les périodes de suspension du contrat de travail, notamment pour maladie.
Ce principe, déjà bien établi par la jurisprudence (notamment depuis 1979), est valable même sous l’empire du barème Macron, instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
Concrètement, cela signifie que l’ancienneté de la salariée devait être calculée de mai 2016 à avril 2019, soit 2 ans et 10 mois, peu importe qu’elle ait été absente pour raison de santé.
Et c’est cette ancienneté complète qui doit être prise en compte pour déterminer l’indemnité à verser.
Deuxième correction : une indemnité est possible même avec moins d’un an d’ancienneté
Mais même si la salariée avait eu moins d’un an d’ancienneté, elle aurait tout de même eu droit à une indemnisation, contrairement à ce qu’affirmaient les juges du fond.
La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt récent (Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-11.825) : Un salarié travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés, et ayant moins d’un an d’ancienneté, peut obtenir une indemnité, dans la limite d’un mois de salaire, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Autrement dit, l’indemnisation minimale n’est pas automatique, mais elle n’est pas exclue non plus. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation, dans une limite fixée par le barème.
Application du barème Macron : combien pouvait-elle percevoir ?
Dans ce cas précis, avec 2 ans et 10 mois d’ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés, le barème Macron (article L. 1235-3) permettait à la salariée de prétendre à une indemnité comprise entre :
0,5 mois de salaire (minimum)
3,5 mois de salaire (maximum)
La Cour de cassation, statuant au fond, a accordé à la salariée le montant maximal possible, soit 3,5 mois de salaire, en réparation de son licenciement abusif.
Pourquoi cette décision est importante
Cet arrêt est un rappel clair pour les employeurs, les conseillers prud’homaux et les salariés eux-mêmes :
L’ancienneté se calcule sur la durée totale du contrat, peu importe les suspensions (arrêt maladie, congé maternité, etc.).
Un arrêt maladie n’interrompt pas le compteur de l’ancienneté.
Même avec moins d’un an d’ancienneté, une indemnité reste envisageable, sous certaines conditions.
Le barème Macron s’applique dans tous les cas où le licenciement n’est pas fondé, sauf exceptions prévues par la loi (nullité du licenciement, harcèlement, discrimination, etc.).
En pratique : attention aux erreurs d’interprétation
Cet arrêt est aussi un avertissement : les erreurs d’interprétation du barème Macron sont encore fréquentes, y compris au sein des juridictions prud’homales.
Les employeurs doivent donc se montrer particulièrement rigoureux lorsqu’ils évaluent les risques liés à un licenciement. Et les salariés, de leur côté, doivent savoir que même en arrêt maladie prolongé, leurs droits restent pleins et entiers.
Référence: Cass. soc., 1er oct. 2025, n° 24-15.529 F-D