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Forfait jours : la Cour de cassation sanctionne à nouveau l’insuffisance des garanties conventionnelles

Fidèle à sa jurisprudence protectrice des salariés, la Cour de cassation a récemment annulé deux conventions individuelles de forfait jours, estimant que les accords collectifs d’entreprise qui les autorisaient n’assuraient pas une protection suffisante de la santé et de la sécurité des salariés.

Cette nouvelle décision s’inscrit dans la continuité d’une ligne jurisprudentielle constante depuis 2011, rappelant aux employeurs la nécessité de garanties précises, effectives et adaptées pour encadrer le travail en forfait jours.


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Un rappel ferme des principes de protection des salariés

Depuis l’arrêt du 29 juin 2011 (Cass. soc., n° 09-71.107), la validité du forfait jours dépend du respect des principes généraux de protection de la santé et de la sécurité du salarié, issus du droit européen.

Concrètement, un accord collectif autorisant le recours au forfait jours doit permettre de garantir :

  • le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires ;

  • une charge de travail raisonnable ;

  • et une bonne répartition du temps de travail.

C’est à l’aune de ces exigences que la Cour a examiné deux accords collectifs d’entreprise, pour finalement les juger insuffisants.


Deux accords invalidés pour garanties jugées trop faibles

Premier cas : une amplitude horaire trop large et un suivi défaillant

Le premier accord prévoyait :

  • une amplitude maximale de travail de 7h à 20h,

  • et un système auto-déclaratif des jours travaillés et de repos.

La Cour de cassation a estimé que ces mesures n’assuraient pas un suivi suffisant de la charge de travail. Elles ne permettaient pas à l’employeur d’agir en temps utile en cas de surcharge, ni de garantir une durée de travail raisonnable.

Résultat : l’accord est jugé non conforme et les conventions individuelles de forfait sont annulées.


Second cas : des garanties imprécises et inefficaces

Le second accord prévoyait notamment :

  • un document mensuel de suivi du temps de travail validé par le manager,

  • un bilan biannuel du nombre de jours travaillés et chômés,

  • et un entretien annuel sur la charge de travail.

Problème : les modalités étaient trop floues et manquaient d’effectivité. Aucun dispositif ne permettait au salarié de signaler des difficultés ni à l’employeur de corriger rapidement une situation à risque.

Là encore, la Cour sanctionne un manque de précision et d’efficacité, rappelant que la protection de la santé prime sur toute autre considération.


Une exigence constante : garantir la santé et le repos des salariés

Pour la Cour de cassation, ces deux décisions poursuivent un même objectif: assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés.

Dès lors qu’un accord collectif ne prévoit pas de garanties suffisantes, précises et effectives, les conventions de forfait jours conclues sur son fondement sont nulles.


Ce qu’un accord conforme doit contenir

Pour être jugé conforme, un accord collectif sur le forfait jours doit prévoir :

  • un suivi régulier et individualisé de la charge de travail,

  • un document de suivi tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur,

  • un entretien correctif dès que des anomalies apparaissent,

  • la possibilité pour le salarié de demander un entretien à tout moment,

  • et un bilan de suivi après quelques mois pour vérifier le caractère raisonnable de la charge de travail (Cass. soc., 2 oct. 2024, n° 22-16.519).

Ces dispositifs permettent un contrôle effectif et continu des conditions de travail, conforme aux exigences européennes et jurisprudentielles.


Les conséquences pour les employeurs

Les employeurs doivent être conscients du risque financier lié à l’invalidité d’un accord ou d’une convention individuelle de forfait jours.

Un salarié dont le forfait est annulé peut réclamer :

  • un rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées (Cass. soc., 5 juin 2013, n° 12-14.729) ;

  • et une indemnisation pour le préjudice lié au non-respect du repos ou aux dépassements d’amplitude (Cass. soc., 4 févr. 2015, n° 13-20.891).

Même si la Cour a précisé qu’une réparation automatique n’était pas possible (Cass. soc., 11 mars 2025, n° 23-19.669), le risque de condamnation demeure important, d’autant plus si plusieurs salariés sont concernés.


En conclusion

Ces arrêts rappellent avec force que le forfait jours ne saurait être un outil de flexibilité déconnecté du droit à la santé et au repos. Les entreprises doivent auditer leurs accords collectifs et, si besoin, les réviser pour renforcer :

  • les procédures de suivi,

  • les modalités d’alerte,

  • et les mesures correctives.

Une démarche proactive permettra d’éviter la nullité des conventions de forfait, mais aussi d’assurer une véritable prévention des risques psychosociaux.


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