Télétravail : vers un droit automatique à l’indemnité d’occupation du domicile ?
- Rédaction G2S
- 28 avr.
- 3 min de lecture
Par un arrêt du 19 mars 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation apporte deux précisions majeures : d’une part, l’action en paiement de l’indemnité d’occupation du domicile relève de la prescription biennale ; d’autre part, elle laisse entrevoir une extension du droit à cette indemnité aux salariés en télétravail. Ce nouvel arrêt pourrait marquer une évolution importante dans la reconnaissance des frais liés à l’utilisation du domicile pour des raisons professionnelles.
Contexte du litige

Dans cette affaire, un salarié à dominante itinérante, travaillant partiellement depuis son domicile faute de local professionnel mis à disposition par son employeur, sollicite lors de la résiliation judiciaire de son contrat de travail le versement d’une indemnité d’occupation de son domicile.
La cour d’appel lui accorde sa demande sur une période de plus de trois ans, estimant que cette action relève de la prescription quinquennale de droit commun applicable aux actions personnelles (article 2224 du Code civil).
Remarque : à compter du 1er janvier 2018, un espace de coworking avait été mis à disposition du salarié, mettant fin à son droit à indemnisation.
Une prescription désormais biennale
La Cour de cassation censure la décision d’appel : elle juge que la demande de paiement d’une indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles est soumise à la prescription biennale de l’article L 1471-1 du Code du travail.
Elle précise que cette indemnité, qui compense une sujétion découlant de l’exécution du contrat de travail, ne peut être rattachée à une action en paiement de salaire et n’entre donc pas dans le champ de la prescription triennale applicable aux créances salariales.
Remarque : Cette analyse s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence antérieure ayant appliqué la prescription biennale au remboursement de frais professionnels (Cass. soc. 20-11-2019 n°18-20.208 FS-PB).
Vers une indemnité d’occupation automatique en cas de télétravail ?
Au-delà de la question de prescription, l’arrêt du 19 mars 2025 ouvre un débat important : la chambre sociale élargit la portée de l’indemnisation au cas du télétravail, même si le litige portait initialement sur une activité itinérante.
En s’appuyant sur l’article L 1222-9 du Code du travail, qui définit le télétravail, la Cour affirme désormais que l’occupation du domicile à des fins professionnelles constitue une atteinte à la vie privée du salarié, donnant droit à indemnisation :
• dès lors qu’aucun local professionnel n’est mis à disposition ;
• ou lorsqu’il est convenu que l’activité s’effectue sous la forme du télétravail.
Traditionnellement, la Cour reconnaissait déjà l’existence d’un droit à indemnité dans trois situations :
si l’employeur imposait l’utilisation du domicile sans proposer d’alternative (Cass. soc. 7-4-2010 n°08-44.865 ; 14-9-2016 n°14-21.893) ;
si aucun local professionnel n’était effectivement disponible (Cass. soc. 12-12-2012 n°11-20.502 ; 8-11-2017 n°16-18.499) ;
si le télétravail était prescrit par le médecin du travail (CA Paris 21-12-2023 n°20/05912).
Cependant, l’évocation directe du télétravail dans l’arrêt du 19 mars 2025, même en l’absence de télétravail dans le dossier jugé, marque un changement d’approche.
Les nouvelles questions soulevées
La portée concrète de cette décision reste à préciser. Plusieurs interrogations émergent :
L’indemnité d’occupation serait-elle due quelle que soit la fréquence du télétravail (un jour par semaine, travail hybride, etc.) ?
Quelles seraient les modalités de calcul de cette indemnité ?
Peut-on distinguer entre télétravail volontaire et télétravail imposé (notamment en cas de force majeure) ?
Ces questions devront être éclaircies par les prochaines décisions de la Cour de cassation. Notons que cette orientation est confirmée dans un arrêt non publié du 2 avril 2025 (Cass. soc. 2-4-2025 n°23-22.158 F-D).
En résumé
Le 19 mars 2025, la Cour de cassation pose deux principes importants :
L’action en paiement de l’indemnité d’occupation du domicile est prescrite par deux ans, et non cinq.
Le télétravail pourrait désormais ouvrir systématiquement droit à une indemnité, dès lors qu’il a été convenu entre le salarié et l’employeur.
Employeurs et salariés doivent ainsi être particulièrement attentifs aux conditions d’organisation du télétravail et aux conséquences financières qui pourraient en découler.