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Logement de fonction : doit-on le restituer à la fin du contrat de travail ?

Lorsqu’un employeur met un logement à disposition d’un salarié, la question de sa qualification juridique est essentielle. S’agit-il d’un bail d’habitation, totalement indépendant de la relation de travail, ou d’un logement de fonction, c’est-à-dire un avantage directement lié à l’emploi ? Cette distinction détermine notamment si l'employeur peut exiger la restitution du logement à la fin du contrat. Un arrêt récent de la Cour de cassation vient préciser, une nouvelle fois, les critères permettant de trancher entre ces deux situations.


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Deux régimes possibles : une différence aux conséquences majeures

Un logement mis à disposition par l’employeur peut être :


  • un bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989, qui protège le locataire ;

  • un logement de fonction, considéré comme un accessoire du contrat de travail.


Dans le premier cas, la rupture du contrat de travail ne met pas fin au bail. L’employeur doit respecter les règles applicables à tout bailleur, notamment les conditions de congé et les délais légaux.

Dans le second cas, le droit au logement est directement lié à l’exécution du contrat. Le salarié ne peut donc plus occuper les lieux dès que la relation de travail prend fin. Le logement suit le sort du contrat : fin du contrat = fin du droit d’occupation.

Pour déterminer la nature du logement, les juges examinent un ensemble d’éléments tels que la date d’attribution, la localisation du bien, l’existence d’un avantage économique, et surtout l’intention des parties au moment de la mise à disposition.


L’affaire : un logement attribué dès l’embauche

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié recruté en CDI le 1er février 2007 s’était vu remettre dès le lendemain une attestation lui « louant » un studio jusqu’à la fin de son contrat. Le logement était situé dans les locaux mêmes de l’entreprise et le loyer demandé était significativement inférieur au prix du marché, ce qui révélait clairement un avantage.


En juillet 2020, lorsque l’employeur notifie son licenciement, il l’informe également que la rupture du contrat entraîne la perte du logement de fonction. Le salarié refuse de quitter les lieux, considérant qu’il est titulaire d’un bail d’habitation classique. Il fait valoir notamment que cet avantage n’apparaissait pas sur ses bulletins de paie, ce qui selon lui confirmait l’existence d’un bail autonome.


Le raisonnement de la Cour : un faisceau d’indices en faveur du logement de fonction

Les juges du fond comme la Cour de cassation ont rejeté l’argumentation du salarié. Plusieurs éléments ont été jugés déterminants :

  • la concomitance entre l’embauche et la mise à disposition du logement ;

  • la mention explicite selon laquelle le logement serait disponible jusqu’à la rupture du contrat de travail ;

  • la localisation dans les locaux de l’entreprise, fortement indicative d’un logement lié à l’activité professionnelle ;

  • le loyer largement inférieur au prix du marché, offrant un avantage financier au salarié ;

  • le versement direct du loyer à l’employeur, qui ne constituait pas en soi la preuve d'un bail d’habitation.


Ces éléments témoignaient d’une volonté commune de faire du logement un accessoire du contrat de travail. Dès lors, la rupture de ce contrat entraînait automatiquement la fin du droit d’occupation.


La Cour de cassation valide la décision d’expulsion : le salarié était devenu un occupant sans droit ni titre.


Une décision qui invite à clarifier la nature du logement dès le départ

Cet arrêt rappelle que la qualification d’un logement mis à disposition dépend de l’analyse concrète de la situation, et non de la seule présence d’un loyer ou de son absence sur la fiche de paie. Il met aussi en lumière l’importance, pour les employeurs et les salariés, de formaliser clairement le statut du logement dès son attribution. Une mention explicite dans le contrat de travail, une annexe ou une attestation précise peuvent éviter des litiges parfois longs et coûteux.


Le logement de fonction, parce qu’il est un accessoire du contrat, doit être restitué immédiatement lorsque celui-ci prend fin. À l’inverse, un bail d’habitation relève d’un régime protecteur, indépendant de la relation de travail.


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