Versement mobilité : le rattachement au siège n’est pas automatique pour les salariés multi-établissements
- Rédaction G2S
- 16 juin
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Dans une décision du 10 avril 2025 (n° 23-12.284), la Cour de cassation est venue rappeler une règle essentielle en matière de versement mobilité : l’inscription d’un salarié au registre unique du personnel (RUP) du siège social ne suffit pas à justifier son rattachement à cet établissement, si son activité s’exerce principalement ailleurs.
Le principe du rattachement au lieu de travail effectif

Le versement mobilité est une contribution patronale due dans les zones où il a été institué, dès lors qu’une entreprise emploie au moins 11 salariés dans le périmètre concerné. Son assiette repose non pas sur le siège social mais sur le lieu d’activité effective des salariés.
Le décret n° 2017-858 du 9 mai 2017 a modifié l’article D 2333-87 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) en harmonisant les règles avec celles du Code de la sécurité sociale. Il précise que :
les salariés doivent être affectés à l’établissement dans lequel ils figurent sur le RUP ;
mais, s’ils exercent leur activité pendant plus de trois mois consécutifs hors de cet établissement, ils doivent être rattachés à leur lieu d’activité réel pour l’appréciation de l’assujettissement au versement mobilité.
L’affaire : une affectation réelle ignorée au profit du siège
Dans le cas soumis à la Cour, une association de formation professionnelle avait été redressée au titre du versement mobilité pour l’année 2019. L’administration considérait que trois coordinatrices de formation devaient être rattachées au siège de l’association situé à Clermont-Ferrand (zone assujettie), car elles y étaient inscrites sur le RUP.
Or, ces salariées exerçaient en réalité leur activité dans des centres de formation situés dans l’Allier, le Cantal et la Haute-Loire, donc en dehors de la zone de versement mobilité applicable à Clermont-Ferrand. Bien qu’elles se réunissaient régulièrement au siège, leur présence y était ponctuelle.
Le tribunal judiciaire, saisi par l’association, a validé le redressement en s’appuyant exclusivement sur l’inscription au RUP et sur le caractère « non justifié » de leur affectation réelle durant trois mois consécutifs hors du siège.
L’arrêt de la Cour de cassation : le critère du lieu de travail prime
La Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que l’inscription au RUP n’est pas un critère suffisant si la réalité de l’exercice professionnel indique une autre zone d’affectation.
Selon la Cour, dès lors que les salariées travaillaient en dehors de l’établissement siège, elles ne pouvaient pas être rattachées à ce dernier pour l’application du versement mobilité, même si elles y revenaient de manière occasionnelle.
La Haute juridiction reproche ainsi aux juges du fond de ne pas avoir pris en compte le lieu d’exercice effectif de l’activité professionnelle, critère essentiel du rattachement.
Une décision transposable aux règles actuelles… malgré une divergence avec le BOSS
L’arrêt concerne les règles applicables jusqu’en 2019, mais il reste pleinement transposable à la législation actuelle, puisque l’article D 2333-87 du CGCT n’a pas été modifié sur le fond. Il en va de même pour l’article D 2531-7, applicable en Île-de-France.
Cette position entre toutefois en contradiction avec celle du BOSS, qui précise qu’un salarié doit être comptabilisé dans l’établissement détenant le RUP, peu importe où il exerce son activité (fiche BOSS-Eff.-810-820). La décision de la Cour pourrait donc induire une instabilité interprétative, tant que le BOSS ne modifie pas sa doctrine.
Il convient également de noter que l’arrêt a été rendu en formation restreinte et simplement diffusé, sans publication officielle, ce qui appelle à la prudence quant à sa portée jurisprudentielle future.
En pratique : ce que doivent retenir les employeurs
Les entreprises, notamment les structures multi-sites, doivent :
Identifier le lieu d’exercice réel de chaque salarié ;
Ne pas se reposer uniquement sur l’inscription au RUP pour définir le rattachement à un établissement ;
Documenter l’affectation effective et la durée de présence sur un site donné ;
Surveiller les évolutions éventuelles de l’interprétation du BOSS.
En cas de contrôle URSSAF, il pourra être nécessaire d’apporter des éléments tangibles (plannings, feuilles de route, attestations) pour justifier du rattachement effectif à un établissement situé en dehors d’une zone de versement.