Véhicule mis à disposition par un tiers : la Cour de cassation précise la preuve de l’absence d’avantage en nature
Dans deux arrêts récents datés du 9 janvier 2025, la Cour de cassation est venue clarifier les règles applicables concernant les véhicules mis à disposition des salariés par un tiers, en particulier en matière de qualification d’avantage en nature et d’assujettissement aux cotisations sociales. Ces décisions rappellent les obligations de preuve pesant sur l’employeur dans ce contexte.
L’avantage en nature : des règles strictes en matière de cotisations sociales
La mise à disposition permanente d’un véhicule par l’employeur, même via un tiers, est susceptible de constituer un avantage en nature dès lors que ce véhicule peut être utilisé à des fins personnelles par les salariés. En effet, cette mise à disposition permet aux bénéficiaires de réaliser des économies sur des frais de transport qu’ils auraient normalement dû assumer.

La Cour de cassation précise que la mise à disposition d’un véhicule par un tiers, tel qu’une association ou une autre entité du même groupe, n’exclut pas la qualification d’avantage en nature, notamment si cette mise à disposition découle de l’appartenance des salariés à l’entreprise.
Une preuve à double niveau : l’organisme de recouvrement et l’employeur
Le raisonnement adopté par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation repose sur deux étapes distinctes :
1. L’organisme de recouvrement (par exemple, l’Urssaf) doit établir la mise à disposition permanente du véhicule. Cette preuve peut être apportée notamment via le procès-verbal des agents de contrôle, lequel fait foi jusqu’à preuve du contraire.
2. L’employeur doit démontrer que cette mise à disposition ne constitue pas un avantage en nature. En pratique, cela signifie prouver que le véhicule est exclusivement utilisé pour des déplacements professionnels et que l’employeur assume l’intégralité des coûts liés à cet usage. Toute participation des salariés aux frais d’usage personnel du véhicule doit être clairement écartée.
Quels moyens de preuve pour l’employeur ?
Conformément à l’article 1358 du Code civil, la preuve peut être apportée par tout moyen. Toutefois, les factures établies par le tiers mettant les véhicules à disposition ne suffisent pas à elles seules. Ces documents doivent être complétés par d’autres éléments probants, tels que des relevés kilométriques détaillant la distinction entre déplacements professionnels et personnels.
En l’absence de preuve suffisante, les juges du fond peuvent légitimement rejeter les demandes de l’employeur visant à contester un redressement opéré par l’organisme de recouvrement.
Application pratique : un cas issu du secteur du BTP
Dans les affaires examinées, les salariés de sociétés du bâtiment et des travaux publics bénéficiaient de véhicules fournis par une association, moyennant une cotisation. L’employeur réglait également des factures correspondant à l’utilisation professionnelle des véhicules. Les juges ont constaté que l’employeur n’avait pas apporté la preuve nécessaire pour établir que les véhicules étaient exclusivement utilisés à des fins professionnelles. En conséquence, les redressements effectués par l’organisme de recouvrement ont été validés.
Une interprétation stricte des règles d’assiette
La Cour de cassation réaffirme ici l’interprétation stricte des règles relatives à l’assiette des cotisations sociales. Cela s’applique tant aux conditions de fond permettant de qualifier ou d’exclure un avantage en nature qu’aux exigences probatoires pour démontrer une exonération.
Conclusion : les employeurs doivent redoubler de vigilance
Ces décisions rappellent aux employeurs qu’une gestion rigoureuse des véhicules mis à disposition des salariés est essentielle. Ils doivent veiller à établir des preuves solides pour distinguer clairement les usages professionnels et personnels des véhicules, afin d’éviter tout redressement en matière de cotisations sociales. Cette jurisprudence s’inscrit dans une volonté de renforcer la transparence et l’équité dans l’application des règles sociales.
Références :