Solde de tout compte : la signature du salarié et ses implications juridiques
Un document sans signature n’a pas valeur de preuve
Dans un récent arrêt, la Cour de cassation a clarifié les effets juridiques de l’absence de signature du salarié sur le reçu pour solde de tout compte. Un tel document, s’il n’est pas signé, ne peut être considéré comme une preuve de paiement des sommes mentionnées. De plus, il n’a aucun impact sur le délai de prescription, qui n’est interrompu ou suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir pour des raisons légales, conventionnelles ou de force majeure.
Le cadre légal du solde de tout compte
À la rupture d’un contrat de travail, l’employeur doit remettre au salarié un reçu pour solde de tout compte en double exemplaire. Ce document récapitule les montants dus (salaires, primes, indemnités). Conformément à l’article L.1234-20 du Code du travail, le salarié peut le contester dans un délai de six mois après sa signature. Passé ce délai, le document devient libératoire pour l’employeur uniquement si le salarié l’a signé. Toutefois, la signature n’est pas une obligation pour le salarié.
Un cas particulier : l’incarcération du salarié
Dans cette affaire, un salarié, licencié en 2013, n’avait pas signé son solde de tout compte en raison de son incarcération de 2013 à 2017. À sa sortie, il avait saisi la juridiction prud’homale pour réclamer diverses sommes. Si la cour d’appel avait jugé sa demande recevable, la Cour de cassation a infirmé cette décision, soulignant que l’incarcération n’interrompait pas le délai de prescription.
La prescription : une règle rigoureuse
Le délai de prescription, en vigueur dans cette affaire, découlait de l’article L.1471-1 du Code du travail dans sa version modifiée par la loi de 2013. Ce texte fixait à deux ans le délai pour contester une exécution ou une rupture de contrat de travail, applicable aux prescriptions en cours depuis la promulgation de la loi. La Cour a rappelé que la prescription avait débuté en juin 2013 et expiré en juin 2015. En l’absence d’un empêchement légal ou de force majeure, comme requis par la loi, le délai était donc forclos.
Les conséquences pratiques pour employeurs et salariés
La Cour a confirmé que l’absence de signature du salarié empêche le solde de tout compte d’avoir un effet libératoire. Néanmoins, cela n’interrompt pas le délai de prescription, qui continue à courir normalement. Les employeurs ne peuvent pas conditionner le paiement des sommes dues à la signature du salarié. De leur côté, les salariés doivent respecter le délai de prescription pour contester les montants, même si le solde de tout compte reste non signé.
Un rappel jurisprudentiel
Cette décision s’inscrit dans la continuité d’arrêts antérieurs, notamment celui du 27 mars 2019, qui avait déjà établi que l’absence de signature du salarié sur un solde de tout compte ne constituait pas une preuve de paiement. Ce rappel renforce l’importance pour les employeurs de documenter rigoureusement leurs paiements en cas de contestation.
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