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AGS, prise d’acte et résiliation judiciaire : La Cour de cassation aligne sa jurisprudence avec le droit européen

Les décisions récentes de la Cour de cassation marquent un tournant majeur dans la prise en charge des créances salariales en cas de prise d’acte ou de résiliation judiciaire du contrat de travail. En suivant les principes énoncés par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), la Cour de cassation élargit l’application de l’AGS (Association pour la Gestion du régime de Garantie des créances des Salariés). Cette évolution renforce la protection des salariés dans des contextes de manquements graves de l’employeur.


Qu’est-ce que l’AGS et à quoi sert-elle ?

L’AGS est un mécanisme permettant de garantir le paiement des créances salariales lorsque l’entreprise de l’employeur est en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Selon l’article L. 3253-8 du code du travail, cette garantie couvre les créances découlant des ruptures de contrat intervenant pendant certaines périodes spécifiques, telles que :

  • La période de suspension des contrats.

  • Le mois suivant un jugement arrêtant un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession.

  • Les 15 à 21 jours suivant un jugement de liquidation judiciaire.


Jusqu’à récemment, cette garantie était réservée aux ruptures de contrat à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du liquidateur ou de l’employeur.


L’impact de la CJUE sur le droit français

La CJUE, saisie par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a rendu une décision le 22 février 2024 établissant que les créances salariales résultant d’une prise d’acte ou d’une résiliation judiciaire doivent également être couvertes par l’AGS. Selon la CJUE, une réglementation nationale ne peut exclure ces situations, car les salariés concernés se trouvent dans une position comparable à ceux dont le contrat est rompu par un administrateur judiciaire ou un liquidateur. Cette interprétation repose sur le principe d’égalité et de non-discrimination inscrit dans la directive 2008/94/CE.


La nouvelle position de la Cour de cassation

Dans ses arrêts récents, la Cour de cassation a suivi la position de la CJUE et modifié sa jurisprudence. Désormais, l’AGS doit couvrir les créances salariales dans les cas suivants :

  • Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : Lorsqu’un salarié met fin à son contrat en raison de manquements graves de l’employeur pendant une période de procédure collective.

  • Résiliation judiciaire : Quand un salarié obtient en justice la rupture de son contrat pour les mêmes motifs.


Ces évolutions s’appliquent dès lors que la rupture intervient pendant l’une des périodes visées à l’article L. 3253-8 du Code du travail.


Deux affaires illustratives

1. La prise d’acte de rupture

Dans une première affaire, un livreur avait pris acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur, après que l’entreprise avait été placée en redressement judiciaire. Les juridictions prud’homales ont ordonné que ses créances salariales soient inscrites sur le relevé de créances, mais l’AGS et l’Unédic contestaient cette décision.


La Cour de cassation a finalement donné raison au salarié, en concluant que la prise d’acte s’analysait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les créances salariales, incluant les indemnités de licenciement et de préavis, doivent donc être garanties par l’AGS.


2. La résiliation judiciaire

Dans une seconde affaire, une responsable d’agence avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat en raison des manquements graves de son employeur. Bien que les juges du fond aient initialement rejeté la demande d’inscription des créances salariales sur le relevé des créances, la Cour de cassation a retenu que la résiliation judiciaire devait être assimilée à un licenciement. Les créances afférentes sont ainsi couvertes par l’AGS, conformément à la directive européenne.


Les enseignements de ces décisions

Ces arrêts montrent une volonté de renforcer la protection des salariés en adaptant le droit national aux exigences européennes. Ils confirment que :

  • Les salariés qui prennent acte de la rupture ou obtiennent une résiliation judiciaire ne doivent pas être discriminés par rapport à ceux dont la rupture est décidée par l’administrateur ou le liquidateur.

  • L’AGS doit jouer pleinement son rôle de garantie, y compris dans ces situations.


Références :


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