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Médecins en colère : « L’URSSAF m’a tueR »


Un médecin témoigne.

Par Daniel V., médecin généraliste remplaçant, Paris.


« L’URSSAF m’a tueR » selon la formule dysorthographique consacrée – en dehors de m’endetter davantage en empruntant toujours plus pour payer toujours plus et fermer ma gueule. Presque plus qu’une seule solution : arrêt d’exercice, mise en insaisissabilité (pour le peu que j’ai) et départ à l’étranger en 2016 avec ma guitare, fuite pour ne plus jamais revenir dans ce pays dévoué à l’échec de ses concitoyens, même les mieux intentionnés. Mais à quoi bon ? Je serai toujours contraint d’emprunter pour « financer » mes cotisations, et m’endetter un peu plus chaque année, je ne pense pas qu’il y ait d’échappatoire. Arrêter la France – tout court. Je voulais faire médecine esthétique pour m’en sortir sur le plan financier, bien que le seul métier que je connaisse est celui de généraliste, mais je n’ai même plus la motivation, la force d’espérer, de croire que mes efforts paieront un jour.

Cette course effrénée après l’argent des cotisations est vouée à l’échec. Un jour il faut savoir dire stop avant de craquer… ce n’est même pas du burn-out, c’est le résultat d’un harcèlement fiscal. Je ne pense pas avoir le courage de me libérer, et de plus, j’ai des dettes sur 2013, 2014, 2015, et je pense que cela compliquera tout, et je n’ai pas fait médecine pour être « en quelque sorte » ou en tout cas considéré comme un « hors la loi » organisant son insolvabilité et connaissant le droit dans les moindres finesses etc. J’ai essayé de rester dans le rang et de faire au mieux, d’anticiper.

Malgré toute ma bonne volonté et un sérieux accroissement de rigueur dans mes diverses démarches, je me heurte à un mur opaque, insondable, autoritaire, devant une administration qui a réussi le même jour à m’envoyer une régulation faramineuse, me la confirmer par téléphone (tout de même 21% de mon bénéfice de l’année 2014, car en tant que remplaçant j’ai peu de charges, mais un monceau de dettes de mon passé d’étudiant que j’étais en train de presque éponger), puis lors d’un second appel dans l’après-midi, m’entendre dire qu’ils ne trouvent pas trace de cette régulation ; et pire, que pour eux mon compte est radié depuis 2011, mais que par ailleurs, je respecte bien l’échéancier en cours… C’est ubuesque et inextricable. Et ils ne prendront jamais leurs responsabilités, pas la peine d’espérer un « désolé » pour toutes ces incongruités, et encore moins de penser que cela puisse servir à améliorer le service ! Ça jamais, ça n’évoluera jamais, cela sera toujours le même système écrasant tout le monde sur son passage, et étouffant toute création d’activité en France.

Je dois 3 ans de cotisations d’un coup depuis 2015, date à laquelle le dossier d’inscription à la CPAM établi en juillet 2013 puis complété en septembre 2013, a été enfin transmis à la CARMF et à l’URSSAF ; soit après environ 16 à 18 mois d’errance administrative totale où il m’aura fallu appeler des milliers de fois URSSAF, CPAM jusqu’à l’INSEE et son Directeur adjoint (seule personne compétente dans tout ce fatras de ronds de cuir) pour qu’enfin mon dossier soit transmis, mais après 18 mois de retard, couvrant une période de 2013 à 2015 ; cela fait 3 ans de cotisations à régler en une seule fois, plus l’impôt sur le revenu, autant vous dire que la rentrée fait mal, et que je n’ai aucune idée de ce que les semaines à venir m’apporteront comme réponses.

J’attends peut-être un geste de la CARMF pour insuffisance de revenus, avec une réduction des cotisations dues pour 2013 et 2014 ; en attendant j’ai dû emprunter en tablant sur des cotisations plein tarif pour financer tout ce petit monde sur 12 mensualités pour chacun

  • 1095€ pour le Trésor public payables en 10 mensualités, en attente de réponse

  • 475€ pour la CARMF 2013 et 2014 et 375€ en avance pour 2015

  • 300€ pour l’URSSAF 2013 et 2014

  • 8000€ qui viennent de tomber pour 2015 et calculés sur base forfaitaire, donc hors régulation, somme que je n’ai pas, que je devrai encore une fois emprunter alors que je viens d’emprunter 10 000€ en septembre pour cette rentrée « fiscale » ; d’ailleurs pas sûr que cela passe niveau banque, comme mon projet immobilier de maisonnette à la campagne. Impossible d’emprunter dans ces conditions !

Et après il parait qu’il manque des médecins de campagne… J’ai contacté la municipalité de Bernay, bien connue pour sa difficulté à recruter un médecin, j’ai proposé de ne pas être salarié, mais juste que l’on m’offre un local pour une ou deux années… Réponse négative. Alors quoi ? Défenseur des droits ? Ou vente de tout et achat d’un mobil’home et vivre au jour le jour ? Ou fermer sa gueule, espérer un geste de l’URSSAF même minime et continuer de payer payer payer… Je le répète, ce sont des dettes passées, la libération ne me semble pas envisageable.

C’est en fait l’histoire classique des 3 premières années de cotisations et de la régulation, de ce qu’il fallait provisionner, nous ont-ils tous raconté ; plus précisément, c’est le cas où en pratique, il m’était impossible d’épargner ces sommes dont les montants m’ont permis tout juste de vivre et de rembourser mes anciennes dettes étudiantes malgré un revenu théoriquement correct ; j’ai été pris dans la spirale des majorations cumulées et des emprunts empilés ; pour, au départ, une simple déclaration tardive des 31 premiers jours de remplacement, des conséquences sur des milliers d’euros et des années de longues galères.

Merci et désolé, sachez que j’ai un peu honte de vous raconter ma vie, mais j’ai craqué aujourd’hui, je les ai même menacés au téléphone devant tant d’illogisme cumulé et j’en ai honte, mais j’ai craqué… J’ai peur de ce qui va m’arriver. Ce n’est pas du burn-out. Je suis poussé a craquer par l’administration.


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